INTERVIEW DE Mme Azaratou SONDO/NIGNAN, DG de la FCPB

Mme Azaratou SONDO/NIGNAN, DG de la FCPB

Le Burkina Faso a célébré le lundi 8-Mars 2021 la journée internationale de la femme sous le thème : “Inclusion financière par le numérique pour un développement économique de la femme : défis et perspectives”. Une belle occasion pour nous de revenir sur une interview que la Directrice Générale de la FCPB, madame SONDO/NIGNAN Azaratou a accordé il y a une année à TRIAS, une ONG partenaire du RCPB dans l’accompagnement des filières riz et oignon. L’actualité de cette interview réside dans la thématique traité et le coin de voile que lève la DG sur sa carrière, le secret de la pérennité du RCPB et enfin les actions des caisses populaires dans la promotion de l’inclusion sociale et sa contribution au développement. Lisez plutôt.

1.Vous travaillez avec des caisses d’épargne et de crédit depuis le début de votre carrière professionnelle ?

Oui, je travaille effectivement avec des caisses d’épargne et de crédit depuis le début de ma carrière professionnelle en juillet 1996, c’est-à-dire avant même d’intégrer le Réseau des Caisses Populaires du Burkina (RCPB). Ma carrière professionnelle a démarré au Programme de Développement Rural de la Sissili où j’étais homologue au chef de projet, chargée de la mise en place de Caisses villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérées. Au RCPB, J’ai eu la chance de poursuivre sur le même type de mission en tant que coordonnatrice régionale du programme Caisse Villageoise et finalement en y bâtissant toute ma carrière, du moins, jusqu’à ce jour. Sans avoir cherché particulièrement à travailler dans ces types d’organisations ; parce que la question de l’emploi est souvent plus complexe que cela, d’autant plus qu’il faut savoir faire un arbitrage entre sa passion et les opportunités. La question qui se pose maintenant est de savoir pourquoi j’y suis restée. Il faut dire que mes origines Africaines et mon profil de base ont été des éléments déterminants. Quand tu côtoie chaque jour des personnes qui malgré leur intelligence, manquent de tout pour vivre dignement et envisager l’avenir, tu ne peux qu’être sensible ; et ma formation de sociologue parce qu’il s’agissait surtout de ça au départ, est là pour inciter à l’action et à la réaction. Maintenant, quand tu fais un travail de ce genre et qu’à chaque fois que tu regardes dans le rétroviseur, tu ne vois que des résultats tangibles, tu te dis toujours que tu es sur la bonne voie et la passion fait le reste. Je crois que c’est un peu ça l’histoire.

2.Depuis le mois de juin, vous êtes directrice générale à la FCPB. À quel point est-il évident qu’une femme accède à un poste aussi important au Burkina Faso ?

En matière d’accès au poste, il faut dire qu’il n’y a jamais d’évidence et cela est encore plus vrai quand on est femme avec les nombreuses pesanteurs sociologiques dans un contexte Africain. Personnellement, je suis une femme d’action et d’engagement. A cet effet, je travaillais plutôt à être utile à mon institution, aux membres, à la communauté et à ma Nation. Je fais mien l’adage qui dit de « bien faire et laisser dire ». Dieu merci, mon engagement et ma philosophie d’action m’ont permis d’accéder à des postes de Responsabilités de façon croissante, notamment Directrice Régionale, ensuite Directrice du marketing et de la communication, puis Directrice générale adjointe en charge du Réseau et enfin Directrice Générale. Vous voyez donc que ce n’était pas un poste taillé sur mesure ou une simple alternance du genre. C’est l’aboutissement de la carrière de quelqu’un qui s’est totalement engagé en faveur de l’amélioration des conditions de vie des populations rurales et urbaines par le biais de ce formidable outil que sont les Coopératives d’Epargne et de Crédit (COOPEC). Maintenant, quand on regarde l’histoire du Réseau des Caisses Populaires du Burkina, on se rend bien compte effectivement que c’est la première fois qu’une femme accède à ce niveau de responsabilité et je prends avec humilité et responsabilité cette position de pionnière. C’est vrai aussi qu’on a 76% de travailleurs et 35% de membres qui sont des femmes, mais je ne suis pas la DG des femmes. Je suis la DG de tous les genres et de toutes les sensibilités car je suis très sensible à la diversité. Les atouts d’être femmes ne viennent que comme un bonus. Comme l’a dit Simone de Beauvoir, « on ne nait pas femme, on le devient ». Effectivement, l’inégalité homme/femme est culturellement construite et non naturelle. Les contextes et mentalités ont maintenant évolué et l’idée de femme confinée aux activités familiales et ménagères est bien révolue et il nous appartient, nous femme de saisir cette occasion pour nous affirmer davantage.

3.Quelle est l’importance des caisses populaires et villageoises pour les petits entrepreneurs en Burkina Faso ?

Depuis maintenant plus de quatre décennies, les caisses populaires ont été la porte d’entrée pour l’inclusion financière, et pour le développement de la micro entreprise. C’est la seule structure qui a développé des produits et services vraiment adaptés aux besoins de toutes les couches sociales. Nous avons même développé une méthodologie de petits crédits alliant le partage de connaissances, la gestion des petites activités génératrices de revenu et l’entretien du ménage dénommée « programme crédit épargne avec éducation » en partenariat avec Freedom From Hunger ; ce programme vise à faciliter l’accès des femmes rurales au crédit en levant les contraintes d’épargne préalable et de garanties. De ces groupes ont émergé des femmes entrepreneures. Il en est de même pour certains de nos membres et les banques classiques se bousculent pour les avoir dans leur portefeuille. De nos jours, nous estimons à des centaines de milliers le nombre de membres que nous avons accompagné et qui ont à leur tour créé des emplois pour des jeunes.

4.       Depuis 1972, le FCPB a connu un processus d’expansion rapide. Quelle est la raison principale pour son succès ?

Il faut dire que nous avons construit le Réseau autours de valeurs, d’une philosophie d’actions et des principes, notamment le strict respect des sept principes coopératifs, les principes d’honnêteté et d’intégrité, l’excellence dans le travail, le respect de la personne humaine, le respect des textes et règlements internes et externes. Les pionniers que je remercie au passage en ont fait leur Cheval de bataille, nous avons pris la relève avec cet esprit que nous souhaitons léguer aux générations futures. Dès lors que tous les acteurs (employés, dirigeants, membres) adhèrent à ces principes de base, le reste va plus vite, surtout que nous avons un véritable capital humain. Notre activité est une question de confiance qu’il faut travailler à maintenir et à renforcer. Plus que les avoirs, nous avons entre nos mains des vies entières. Celui qui a les œufs sur la tête ne cherche pas la bagarre nous dit un adage de chez nous. Tout le monde sait qu’un œuf peut se casser à la moindre secousse. Le proverbe signifie que celui qui a un acquis, adoptera une attitude prudente pour ne pas perdre cet acquis. Sur tous ces socles, nous avons une vision et nous développons les outils et mécanismes qui nous permettent de réaliser cette vision. La caisse populaire, c’est la maison de tous, la maison commune et chacun fait de son mieux pour préserver la dignité familiale. C’est le lieu pour moi de remercier les membres qui ont un esprit d’adaptabilité, de compromis et de participation exceptionnelle.

5.       Comment tu juges le rôle du FCPB pour le développement économique en Burkina

Tous les documents stratégiques au niveau national tiennent compte de la contribution des caisses populaires, que ce soit le défunt cadre stratégique de lutte contre la pauvreté ou l’actuel Programme National de Développement Economique et Sociales, et là ce n’est pas moi qui le dis. Par le truchement de notre offre de produits et services, nous sommes un acteur majeur dans le financement de l’économie nationale. Nous injection actuellement et ce depuis une dizaine d’années plus de 100 milliard par an dans l’économie nationale à travers le financement des secteurs clés de développement que sont l’agriculture, l’élevage, le petit commerce, les PME/PMI, les services, l’éducation et la santé. Mieux, l’Etat et certains partenaires font régulièrement recours à notre institution pour la mise en œuvre de projets et programme au profit de la population à la base.

6.       En quoi consiste le support de Trias ? Quelle est votre évaluation de la collaboration avec Trias ?

Il faut rappeler que l’ONG TRIAS intervient surtout dans les chaînes de valeurs agricoles, notamment le riz et l’oignon. Le partenariat a pu se nouer parce que le RCPB est aussi un acteur majeur dans le financement de ces chaines de valeur. L’intervention de TRIAS a permis d’améliorer la méthodologie d’intervention, ce qui a permis d’amplifier les résultats dans l’accompagnement du monde paysan, ainsi que le renforcement du leadership paysan. Tout partenariat qui contribue, aussi petit soit-il à la réalisation de notre mission sociale et économique est bon à prendre. Celui que nous avons scellé avec TRIAS est très enrichissant et fructueux pour la cible visée et pour la Caisse populaire concernée.

7.       Quels sont les défis principaux pour la FCPB dans les années qui viennent ?

C’est le virage technologique. Il faut vite passer à la finance digitalequi est le meilleur moyen d’accélérer l’inclusion financière. Il faut aussi développer une nouvelle stratégie d’intervention dans un contexte d’insécurité. Vous comprendrez que l’un des défis est le renforcement de la sécurité physique et technologique.

Il y a également l’introduction d’un nouveau système d’exploitation des données en concertation avec les autres réseaux membres de la CIF.

La gestion du capital humain reste un défi permanent et nous devons travailler à renforcer la gouvernance et la gestion des équipes.

Enfin, il y a l’amélioration constante de l’offre de produits et services dans un environnement en constante mutation.

8.       Quelle est votre rêve personnel pour le futur du Burkina Faso ?

Un Burkina de paix et de sécurité qui sont la base de tout développement, un Burkina où il fait bon vivre pour tous, un Burkina qui réussit à repousser les frontières de la pauvreté, un Burkina où les droits de la veuve et de l’orphelin sont respectés, un Burkina où il y a un bon climat des affaires. Aucune institution, aucun individu n’a d’avenir dans un pays qui n’en a pas. C’est pourquoi j’ose espérer que la situation redeviendra normale pour une véritable relance économique dans la paix et la sécurité.

Propos recueillis par TRIAS.

A lire également